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Cosmologie - Bokar Rinpoché
Cosmologie - Bokar Rinpoché

Notions de cosmologie

Il ne s'agit pas ici de modèles cosmologiques tels que ceux qu'élaborent des astrophysiciens contemporains. Il y a une certaine cosmologie métaphysique, qui évoque la structure d'un univers qui n'est ni physique ni astrophysique mais spirituel, qui est la racine de toutes les considérations cosmologiques sur l'espace, le temps, les mondes et leur dynamisme.

Cosmologie extérieure

Il existe de nombreux systèmes religieux et scientifiques décrivant la formation et l'évolution de l'univers. Celui que propose le bouddhisme est relié à la théorie du karma.

En effet, bien qu'il n'y ait pas, à l'origine, de vie humaine ou autre dans l'univers, l'apparition de celui-ci n'en est pas moins conditionnée par le karma commun d'un grand nombre d'êtres (1). Le bouddhisme décrit la cosmologie comme l'apparition successive des différents éléments, du plus subtil au plus grossier. Dans l'espace vide infini se forment progressivement :

– Le mandala du vent, c'est-à-dire une masse gazeuse,

– Le mandala du feu, c'est-à-dire la chaleur,

– Le mandala de l'eau,

– Le mandala de la terre, c'est-à-dire l'élément solide.

Ce dernier se structure graduellement pour arriver à former un univers type, décrit traditionnellement comme composé d'une montagne axiale entourée, aux quatre points cardinaux, de quatre continents (2).

On compare généralement cette apparition de l'univers au barattage du lait : le vent agite les eaux primordiales et de là se forment la montagne axiale, les quatre continents et leurs satellites.

De même que l'univers extérieur, qu'on appelle le "contenant", se forme par étapes, de même les êtres, le "contenu", apparaissent progressivement. Le bouddhisme classe la totalité des êtres en trois grandes catégories, nommées les trois sphères :

– La sphère du sans forme,

– La sphère de la forme pure,

– La sphère de la " sensorialité ".

Les êtres qui peuplent les deux premières sphères, les plus subtiles, sont les dieux, non pas au sens chrétien du terme, mais au sens des dévas de la mythologie hindoue. Ils sont, selon la genèse bouddhique, les premiers à prendre place dans l'univers, à commencer par les degrés les plus subtils de la non-forme jusqu'aux êtres de la sphère de la sensorialité, dont font partie les humains. Ainsi, l'univers comprend finalement les êtres des six classes (3).

Les êtres du monde de la non-forme ne possèdent pas de corps matériel semblable au nôtre, mais un corps extrêmement subtil, insubstantiel, perçu par eux seuls, qui n'est qu'une simple expression de l'esprit. Les êtres de la forme pure, pour leur part, sont dotés d'un corps matériel, mais cependant beaucoup plus subtil que le nôtre. Quant aux êtres de la sphère de la sensorialité, ils sont ainsi nommés parce que leur corps matériel sert de support pour entrer en contact avec les objets des sens, contact par lequel ils satisfont leurs désirs. Les sens constituent l'élément le plus important de leur expérience existentielle.

On utilise pour mesurer l'évolution d'un univers une unité temporelle appelée éon, cycle cosmique (sanscrit : kalpa), elle-même recouvrant trois durées différentes : microéon, éon et mégaéon.

Un microéon est déterminé de la manière suivante : lorsque les hommes commencent à se manifester dans un univers, ils vivent un nombre d'années quasi incalculable ; puis leur longévité se réduit à quatre-vingt mille ans, quarante mille ans, huit mille ans, descend jusqu'aux quatre-vingt ou cent ans que nous connaissons actuellement pour aboutir à un seuil inférieur de dix ans.

Après quoi la durée de vie augmente à nouveau jusqu'à atteindre quatre-vingt mille ans et davantage.

La période couverte par cette dégénérescence suivie d'une remontée forme un microéon.

Lors du maintien d'un univers, les êtres connaissent vingt de ces cycles. Ces vingt microéons constituent un éon.

Un mégaéon, enfin, englobe la totalité de l'évolution d'un univers, ainsi décrite :

– La formation de l'univers dure vingt microéons (= un éon),

– Son maintien dure également vingt microéons. Nous vivons à l'heure actuelle un de ces vingt, qui présente le caractère privilégié d'être marqué par l'apparition de mille bouddhas, Sakyamuni étant le quatrième d'entre eux (4).

– La destruction de l'univers dure aussi vingt microéons.

– Vient ensuite une autre période de vingt microéons sans aucune manifestation.

Au total, un mégaéon comprend donc quatre-vingt microéons.

L'intérêt d'une telle description n'est pas de satisfaire une simple curiosité sur l'évolution de l'univers, mais de nous faire comprendre que l'univers, que notre perception limitée tend à nous faire prendre pour éternel, est en fait transitoire, qu'il n'a donc pas de réalité intrinsèque.

Cosmologie intérieur et secrète

Notre propre corps est en lui-même un univers qui suit le même schéma d'évolution que l'univers extérieur : manifestation, maintien et destruction.

La création du microcosme qu'est le corps humain nécessite la réunion de trois éléments. Le premier, appelé la cause première, est l'esprit de l'être devant prendre naissance qui, temporairement, demeure dans le bardo, l'état intermédiaire entre la mort et la renaissance. Cette cause première doit rencontrer le support que sont les deux circonstances nécessaires, autrement dit le sperme du père et l'ovule de la mère. Au moment même où les trois se réunissent, il y a conception, donc être vivant. L'embryon se développe ensuite progressivement, période correspondant à la formation de l'univers.

L'enfant vient ensuite au monde. Le laps de temps qui s'étend de la naissance à la mort correspond à l'évolution de l'univers. Toutes les vies humaines suivent à peu près le même cours: le petit enfant grandit, apprend à se débrouiller, fait des études, apprend un métier. Devenu adulte, il exerce sa profession ; enfin, quand la vieillesse vient, il prend sa retraite et ce, jusqu'à la mort.

La destruction du microcosme humain, autrement dit la mort, s'effectue selon un processus de résorption graduelle des cinq éléments, ou cinq qualités, composant le corps. L'élément terre, c'est-à-dire l'énergie qui maintient le fonctionnement cohérent des composantes solides du corps, se résorbe tout d'abord dans l'élément eau (l'énergie qui régit les liquides), puis celui-ci dans l'élément feu (l'énergie qui régit, entre autres, la température) ; celui-ci se résorbe à son tour dans l'élément air (l'énergie qui gouverne le système respiratoire), enfin ce dernier dans l'élément espace. C'est la mort proprement dite.

Nous avons une tendance naturelle à croire que nous ne mourrons pas, que nous sommes éternels. Voir clairement l'évolution qui conduit de la création à la fin du corps, aide à se défaire de cette idée fausse ; la vie humaine a un commencement, se maintient un certain temps et finit par la mort. Devenant conscients du caractère transitoire de notre existence, nous cessons de la prendre pour intrinsèquement réelle, nous relativisons son importance, et l'attachement qui nous lie à elle diminue.

L'évolution de l'univers appartient à la cosmologie extérieure, l'évolution du corps physique à la cosmologie intérieure. Il existe un troisième niveau, dit secret, qui est celui de la pensée. Chaque pensée a un commencement, une durée et une fin.

La naissance d'une pensée nécessite le contact entre deux éléments :

– La cause première, qui est ici la propension latente, dans notre esprit, à la naissance d'un certain type de pensée. Une telle tendance vient de conditionnements inconscients formés dans nos vies passées, qui nous préparent à interpréter le monde d'une certaine manière.

– Pour que ces conditionnements produisent une pensée il est nécessaire qu'ils entrent en contact avec une circonstance extérieure : le son, l'image, l'odeur, etc. agissant comme des stimuli qui réveillent la tendance latente. La pensée est une réaction aux stimuli. Par l'intermédiaire de l'organe visuel, par exemple, l'esprit perçoit une forme et l'interprète selon la grille que lui dictent ses conditionnements inconscients : agréable, désagréable, neutre, etc.

Lorsque la pensée est née, elle se maintient un certain temps. Si, par exemple, le support qui a déclenché la pensée est un objet perçu comme agréable, on s'attache à cette sensation agréable. Le temps qu'on y reste attaché constitue la durée de la pensée. Puis survient une autre cause extérieure, une autre forme, un autre son, etc., qui font naître une autre pensée supportée par l'attachement ou l'aversion envers le nouvel objet. La première pensée disparaît alors ; c'est la fin de cette pensée.

Extrait de « Le pur et l'impur, regard sur le vajrayana » par Bokar Rinpotché, publié par les éditions Claire lumière, Mas Vinsargues 13116 Vernègues (ouvrage épuisé, réimpression à venir), que nous remercions pour cette aimable autorisation.

1Plus le karma des êtres correspond à des données communes, plus ils vivent des circonstances similaires. Il faut déjà avoir un certain karma commun pour expérimenter un certain type d’univers (le nôtre par exemple), davantage encore pour être du même pays, de la même ville, de la même famille. Inversement, lorsque les structures karmiques sont trop dissemblables, toute communication devient impossible, soit que les êtres prennent naissance dans des univers différents, soit qu’ils vivent sur des plans mentaux différents, un peu comme deux rêves faits par deux personnes ne communiquant pas entre elles.

2Il n’existe pas une vision juste de l’univers qui exclurait les autres, mais une multitude de descriptions tirant chacune sa véracité de l’expérience de celui qui perçoit selon la grille d’interprétation que lui dictent ses sens et ses conditionnements mentaux. La topologie à laquelle il est ici fait référence est utilisée dans les descriptions traditionnelles de l’univers car est-il dit, elle présente l’ordonnance idéale de l’univers, la forme la plus harmonieuse.

3L’espace, par nature, est infini. On ne peut dire : « voici la frontière de l’espace, après quoi il n’y a plus d’espace ». L’espace étant vide ne peut être qu’illimité. Dans cet espace infini, se meuvent un nombre infini d’univers dans l’univers dans lesquels vivent un nombre infini d’êtres. L’apparition des êtres dans un univers ne se fait pas ex nihilo. Lorsqu’un univers se forme, les êtres qui y naissent, poussés par le karma, viennent d’autres univers où ils ont épuisé le karma qui les y faisait vivre. (Voir la description des six classes d’êtres dans l’article de Kyabjé Kalou Rinpoché, « Le jeu de l’illusion et les six mondes »)

4L’avènement de ces mille bouddhas se produit sur une échelle de temps qui échappe totalement au champ de notre histoire

Source: Revue Dharma n°16 - L'environnement extérieur et intérieur.

Transcription du 08 juillet 2016 - Chantal Gorski

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